Quartiers nord de Marseille, la Guirri mafia
« Tout s’est décidé en prison. Ceux qui y étaient ont voulu en sortant récupérer ce qu’ils considéraient comme leur propriété, leur deal. Ceux qui avaient récupéré de fait, le trafic, ont voulu défendre leur place. Tout est parti de là. Cela ne s’arrêtera que par la victoire d’une équipe sur l’autre, » glisse cette source qui, par les temps qui courent, préfère rester anonyme. Depuis de longs mois, les règlements de comptes mortels sur fond de trafics de stupéfiants rythment la vie des quartiers nord de Marseille. En moins d’un an, 14 personnes ont en effet été tuées. Les « Guirri » sont une de ces équipes qui sans participer directement aux affrontements, tentent tant bien que mal de se faire une place au soleil. Tous les moyens sont bons pour gagner de l’argent. C’est même leur objectif principal. Solda, Djia, Moidam ou Gavrou sont tous âgés de 17 à 26 ans. Être un « Guirri », « c’est supporter notre vie quotidienne et connaître les feintes du système» avance sans ambage Solda, 26 ans, le plus ancien du groupe et celui qui donne le plus souvent le « la ». « Le Guirri, et nous sommes beaucoup, il va droit au but, direct, sur l’argent, » reconnaît-il, amusé, par son trait d’humour. « Il aime les risques et ne mort pas à l’hameçon. » (ne va pas en prison) Le « rap gangsta » est leur medium. Celui par lequel ils crient leur désir de réussite, financière, et leur quotidien, ponctué de bagarres, de meurtres et de trafics. La nécessité de « tenir la cité », de se faire respecter et d’écraser l’insolent. « D’entrer dans le game » (le trafic). De trafics ils n’en diront pourtant mot hors des textes qu’ils écrivent et dans lesquels « la sacoche tourne » pour tromper la police. La solidarité entre eux est totale. Moidam, l’un des plus jeunes, coupe afro qui dépasse de la casquette, explique : « Nous voulons sortir du ghetto ensemble. Nous nous connaissons depuis toujours. Nous avons grandi ensemble, sommes allés à l’école ensemble. Parfois la vie fait qu’on doit se quitter. La prison, par exemple, que certains d’entre nous ont fait. Mais on se retrouve toujours. »
Une école que les Guirri ont quittée rapidement et qu’ils ont tôt fait de remplacer par celle de la rue. « Pourquoi j’irais à l’école, cela ne paye pas » lance l’un d’eux. Quelques-uns suivent bien encore une formation professionnelle mais de leur propre avis, leur avenir est ailleurs. La petite bande, instinct chevillé au corps, a développé il est vrai une intelligence très pragmatique. Étonnant de les entendre converser sur les meilleurs moyens de faire connaître. Le plus naturellement du monde, ils auraient presque édifié une sorte de franchise dont le terme Guirri serait le nom. Vendant des tee-shirt à leur gloire, développant une forme de « story telling » de leurs activités dont les réseaux sociaux seraient l’échos.
Puis d’un bond, sans transition, la petite bande prend la route du supermarché du coin pour acheter un ampli à des fins musicales. La rencontre avec le vendeur est au mieux insolite. L’incompréhension de chaque côté est totale. Et les mots pour le dire et se faire entendre, arrivent difficilement. Les Guirri finissent par repartir, l‘ampli non souhaité en mains. Plus tard à l’ombre d’un parking couvert, à quelques pas de Bougainville, l’important nœud de transports publics qui relient les quartiers nord au reste de la ville, les Guirri s’installent comme ils en ont l’habitude. Quelques joints tournent, un collègue en moto passe, puis une arme de poing est sortie. Sans que l’on sache si elle doit servir leur promotion et valider la vitrine qu’ils ont choisie de tenir ou si elle doit permettre de se prémunir des affres de la rue. Gavrou, regard plus doux que ses congénères, torse musclé et bombé à en éclater, exhibe quant à lui, sur cette scène des apparences, une longue ligne maladroite en guise de cicatrice qui lui ceint la cuisse. Une mauvaise rencontre. « Ici, il faut se faire respecter, sinon tu es mort. »
Ainsi va la vie de la jeunesse des quartiers nord. Au mieux, un pied dedans, un pied dehors. Si la plage de l’Estaque, réputée prisée des jeunes des quartiers nord, ne désemplit pas, les trafics ne sont jamais loin. Beaucoup, comme d’autres iraient faire quelques heures de babysitting, ne font qu’y passer. Lorsque nous nous rendons dans la cité de la Busserine pour retrouver une bande de jeunes âgés de 15 à 19 ans, l’un d’eux est sous tension. Il vient de voler dans une sacoche qu’il a trouvée dans le vestiaire du stade où il joue au foot, un IPad et un téléphone. Des grands du quartier, les propriétaires, s’en sont vite rendus compte. Le coup était si bien préparé que quelques instants plus tard, ils ont fondu sur la petite bande pour exiger de récupérer le tout. La norme est devenue l’anormale. La tension omniprésente. Les violences, la course à l’argent, les opportunités que l’on croise et qu’on se doit de saisir, coûte que coûte, sont devenues leur lot quotidien. « La violence, c’est tout le temps. On a l’habitude, » lance Alexandre, laconique. Le soir venu, tous se rassemblent sur les hauteurs du quartier, à l’abri des regards de leurs parents et des voisins pour fumer quelques joints et discuter entre eux. Alexandre et ses copains ont, à la différence des Guirri, un pied plus fermement posé dans le système scolaire. Venant de passer un bac, d’entrer en alternance ou souhaitant même « un jour, entrer un jour dans la police. » Pour autant, ils nous avouent composer leur argent de poche de rapine dans le centre de Marseille ou même, épisodiquement, en faisant les guetteurs pour les deals du quartier. Sans avoir l’impression d’en « faire partie, » et parce que le « frigo familiale est vide », ce serait une manière comme une autre de gagner de l’argent sans en demander à leurs parents. « Aujourd’hui, le prix de la chouf, c’est 140€ le mi-temps soit de 12h à 18h et 260€ le plein, de 12h à 0h. Il y a quelques temps, un point de deal a même du augmenter le salaire horaire de ses guetteurs. Ils préféraient tous aller sur un autre deal, réputé meilleur payeur. Il y a eu une guerre des salaires. Ce sont des capitalistes les dealers », plaisantent-ils. Et un autre de raconter l’histoire du jour : « J’ai fait 5 photocopies couleur de places d’un concert qui a lieu à Marseille. Je les ai toutes vendues. Cela aurait pu mal finir. L’un des mecs a voulu récupérer son argent. Il a sorti son couteau. Heureusement, j’avais pris ma télescopique (matraque). Je lui ai donné un coup et je suis parti en courant. Tu es obligé. »
Les « Puissances Nord », groupe de rap réputé dans les quartiers expriment leur mal aise face à cette jeunesse qui n’en finit plus de se perdre. « Sur 10 jeunes, au moins 9 passent dans le trafic d’une manière ou d’une autre, à un plus ou moins haut niveau. » Ce groupe dont les membres sont plus âgés, joue régulièrement le rôle des grands frères avec les plus jeunes. « Ils nous écoutent, c’est vrai. Parce qu’on parle de ce qu’ils vivent. Il y a du talent dans les quartiers. Mais ce qu’il faut comprendre et qui n’est jamais dit, c’est que ces réseaux font vivre des quartiers entiers. Prenez la Castellane. Plus personne n’y entre sans une fouille complète. Mêmes les flics. Mais réseaux payent les loyers de ceux qui sont en difficulté. Ils font un travail social que les pouvoirs publics ne peuvent à côté les chefs de plus faire. La violence est d’abord sociale. Est-il réellement possible de dire à un jeune qui a vu trimer ses parents de faire le même métier alors qu’en descendant en bas de leur immeuble, ils peuvent gagner la même chose en 2 heures. »
Des « grands frères » qui toutefois se font de plus en plus rares dans les cités. Idée phare des années 80, ce principe a progressivement disparu. Sabri a 28 ans et habite le quartier de la Busserine. Il les regretterait presque. « Ma génération avait encore peur des grands et les écoutait. Ils étaient des juges de paix en quelque sorte. Aujourd’hui cela n’existe plus. Les plus jeunes ne nous écoutent plus. Ce n’est que depuis quelques années qu’il y a des petits, à peine 12 ans, qui font les guetteurs. Et pourquoi ils écouteraient quelqu’un qui a raté sa vie d’abord ? De toute manière, aujourd’hui, les gens ont peur. Intervenir, c’est risquer de s’en prendre une. Tu vas lui faire la morale, il va te sortir un flingue. Les lois de la Républiques ont perdu de leur légitimité et de leur force, dans les quartiers. Le seul ordre moral aujourd’hui, qui préserve de l’anarchie, c’est la religion. C’est l’Islam. La seule présence de l’État, c’est l’ANPE et parfois la police. »
Une génération perdue, « super-perdue » reprend Saïd, une figure des quartiers nord. « Moi j’ai fait de la prison pour des trafics de drogue. Mais je me suis rendu compte non seulement que cela n’en valait pas la peine mais que j’aurais été prêt à rendre tout l’argent gagné pour sortir des 9m2. Depuis, je suis en contre attaque : ces jeunes, il faut qu’ils étudient. Je sens un dégoût de la France chez certains. Ils ont vu sur la mer mais en bas, c’est la misère. » Ce schéma n’a pourtant rien de marseillais. L’actualité récente braque ses projecteurs sur une situation dramatique, mais des ingrédients identiques essaiment dans bon nombre de quartiers populaires en France où les règlements de compte sont également pratiqués. La réalité des quartiers, et Marseille en est l’une des expressions les plus « abouties », met en fait en lumière l’émergence d’un monde parallèle qui en viendrait presque à sceller un contrat social d’un genre nouveau. Avec son économie propre, sa police, sa morale et ses codes. Bien loin de la République.
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